4 Décembre 2010
Bourges. Spéciale dédicace à mon flibustier préféré qui navigue aujourd'hui au large de San Salvador de Bahia sur sa coquille de noix de dix mètres. Neuf et demi, ainsi baptisé après la perte de la moitié d'un doigt dans l'explosion d'un pétard au carnaval de Rio, avait débarqué dans notre cabane, il y a près de vingt ans, avec une caisse de vin sous le bras. Du vin de la Sartre, son pays d'origine. Du jasnières de Lhomme. Signé JB Pinon, dont je n'ai pas trouvé trace nulle part aujourd'hui. On a osé l'autre jour la dernière bouteille de ce trésor sur un foie gras et sa confiture de tomate verte. Accords pas si étranges qu'il n'y paraît. Encore fruité, sur un nez un peu de rancio en rapport avec sa robe, légèrement fumé, longtemps flatteur, il répondait assez bien... Le jasnières est surnommé le vin centenaire, le nôtre avait vingt-quatre ans, millésime 1986, et on dit de lui qu'il est le plus jeune des vins. Sûr qu'on aurait pu le conserver encore quelques années, mais bon, le vin est fait pour être bu ! À ta santé, marin !
Comme nous étions dans les souvenirs, j'ai recherché un bourgogne pour accompagner les escargots mitonnés avec des cèpes de la forêt d'Allogny, ramassés en octobre, congelés cuisinés. Banco, sur un fixin de Gilbert Moniot, un vigneron où nous allions jadis faire le plein en famille et avec des copains. À la couleur on voit bien que la robe de ce Champs Perdrix, dont l'étiquette du millésime a disparu pendant un déménagement, n'a plus la splendeur d'antan, on dirait une rose un peu fanée, il a perdu du corps mais mais peut-être pas son âme... Ben si, un peu. Il a du être plus en forme, c'est sûr, et ne correspondait plus au souvenir que nous en avions.
Pour corser un peu les débats, un rouge du Clos de l'Oratoire des Papes 2005, mis en bouteille par Léonce Amouroux. Évidemment, derrière le pinot noir de Bourgogne un peu évanescent, toute la puissance du châteauneuf, le vin au treize cépages, nous a explosé en bouche. Fruits rouges, griottes, rondeur, suavité, épices, longueur, il laisse un peu rêveur. Un instant, le verre sous le nez, il m'est revenu furtivement en mémoire quelques mémorables virées dans les chais de Châteauneuf , avec une bande de généreux soiffards. Notamment dans un domaine baptisé d'un nom qui ne faisait pas partie de notre vocabulaire: La Solitude...