Entre petites lampées et grandes folies, ne pas remettre à demain ce qui peut être bu aujourd'hui...
19 Octobre 2010
Alain Fourgeot. On me presse de répondre moi aussi au questionnaire des Fous de vin...Histoire de montrer l’exemple, probablement. Allons-y... Après presque quarante ans de journalisme, j’ai eu envie d’autre chose. J’ai donc anticipé mon départ à la retraite… Pour pouvoir cultiver mes jardins. Prendre le temps d’aller aux champignons et à la pêche ; le temps de peindre, de lire et de voyager et de m'occuper sérieusement de ma cave. Trois mots sur mon état civil : je suis né de l’autre côté de la Méditerranée au début des années 1950, mais mes racines sont dans le Jura, entre Arbois et Poligny; et dans le Berry, entre marais de Bourges et Sologne…
- Le déclic ? Il y a toujours eu du vin autour de moi. Dès ma plus tendre enfance j’ai entendu mes oncles jurassiens, mon grand-père, mon père puis mon beau-frère, plus âgé que moi, parler du vin, de la piquette du voisin, du Vin fou et du Vin jaune du Jura, des bourgognes. On me mettait parfois une goutte de vin dans mon eau, cela faisait un homme, disait-on. J’ai encore en tête l’odeur de la cire chaude que mon père utilisait avant d'encaver ses bouteilles. Mais le déclic remonte à plus tard, j'avais une grosse vingtaine d'années, à une dégustation de beaujolais nouveau, chez Pierre Guénin, dans ses chais berruyers où il organisait chaque année, autour d'un mâchon très couru, la dégustation du primeur dont il parlait avec des mots qui m’ont plu, des mots fleuris, chantants. C’est avec lui que j’ai découvert que le vin avait aussi un vocabulaire qu’il fallait connaître pour décrire ses émotions.
- La devise ? Ne pas remettre à demain ce qui peut être bu aujourd’hui.
- Le (s) meilleur(s) souvenir(s) de dégustation ? J’en aurais beaucoup et mon métier m’a fait vivre, dans ce domaine, des moments d'exception. Je pense à une mémorable soirée à Saint-Émilion à tenter de découvrir, à l’aveugle, quelques grands crus bordelais, dont un pichon-longueville-comtesse-de-lalande, un latour, un ferrand-lartigues, un du-tertre, et j'en passe. J’ai encore en tête un mouton-rothschild 1961, millésime très rare, dégusté au château, dans le cadre du dîner de la presse internationale à Vinexpo. J’ai une pensée émue pour le prince Poniatowski qui nous a fait découvrir ses vouvrays du Clos Baudoin dans des millésimes incroyables, 1873, 1875. Autre moment d’émotion, le vin, presque jaune, découvert dans la cave de la ferme familiale le jour de l’enterrement d’un de mes oncles. Presque jaune, car son vin ne possédait pas l’appellation, mais c’était du savagnin, récolté à l’ancienne, élevé longuement dans de vieux fûts de bois vermoulus et je n’ai jamais retrouvé ailleurs de telles notes de rancio et de noix, ce goût incomparable d’un vin qui joue une partition à la fois oxydée et juste. Et on en a bu beaucoup, à la santé du disparu !
- La cave ou l’armoire à vins ? Les deux, une cave pas très bonne pour les vins à boire dans les deux ans, notamment des blancs et des rosés, et pour les vins apéritifs comme le macvin du Jura ; et une armoire pour les vins de garde, bordeaux, bourgognes, vins du Jura et de Loire, champagnes. En tout environ trois à cinq cents bouteilles selon le moment, car je considère qu’il faut boire les vins qu’on achète, et donc, on les boit…
- Les coups de cœur du moment ? En ce moment, trois vins de la vallée de la Loire, pas très chers, rafraîchissants, presque des vins de soif, que l’on peut partager en fin de matinée dans les marais de Bourges avec des copains, quand on a fini de couper les saules et que sur la braise cuisent boudins ou harengs saurs.
- D’abord un pétillant naturel, du Clos Mélaric à Saumur, joliment baptisé Globules Roses. C’est du cabernet franc joyeux et fruité, découvert récemment.
- Ensuite le Red de Rouge du Claux Delorme d’Albane et Bertrand Minchin, un pur gamay de Touraine, gouleyant, plein de fruits, que l’on pourrait boire à la régalade.
- Enfin, la cuvée Côt du Domaine des Poëte de Guillaume Sorbe. Comme son nom l’indique, c’est du 100% côt, que l’on appelle ailleurs le malbec. Là encore on se régale simplement avec ce touraine malicieux.
Et puis, je citerai quelques vins du coin qui ont tous été des coups de cœur. La rare Cuvée Pierre-Alexandre du Domaine de Chatenoy et les Cris du Domaine Pellé, à Menetou-Salon; les Romains du Domaine Vacheron à Sancerre, le sancerre rouge du Domaine Paul Prieur à Verdigny; la cuvée Vieilles Vignes des BerryCuriens à Quincy. Et bien sûr le merveilleux gris de Reuilly de Jacques Vincent dont j’abuse en été ...