Entre petites lampées et grandes folies, ne pas remettre à demain ce qui peut être bu aujourd'hui...
12 Novembre 2020
BOURGES. Un marchand de fringues de grandes marques du centre-ville a, l'autre jour, sur les réseaux, poussé une gueulante pour dénoncer le fait que le tabac et le vin soient classés comme des produits de première nécessité ! Pour le tabac, je m'en fous, j'ai arrêté depuis trente ans ! Mais pour le vin, oui, je le dis haut et fort, produit de haute et de première nécessité ... Je le répète : boire un canon, c'est sauver un vigneron... Et un flacon ça s'use plus vite qu'un pantalon ! Déjà qu'on nous prive de promenade à plus d'un kilomètre et de plus d'une heure, une connerie sans nom, manquerait plus qu'on nous empêche d'aller acheter du vin ! M'a tellement fatigué, ce marchand de fripes, que j'ai décidé d'ouvrir ce Grand Cru Classé de Margaux 2017 de Château d'Issan dont j'adore la devise : « Pour la table des rois et l'hôtel des Dieux.» Derrière une étiquette dorée, pas facile à photographier, se dévoile un assemblage de cabernet sauvignon (65%) et de merlot provenant exclusivement de l'enclos du château, vendangés très précocement, fin septembre. Élevage en barriques, dont 50% neuves pendant dix-huit mois. Robe pourpre, nez riche et complexe, baies noires, prunelle, violette, zan. En bouche, des tannins bavards et déjà souples, qui tapissent généreusement le palais, retour des fruits écrasés, quelques notes de vanille et d'épices qui s'invitent dans une finale généreuse. Dans les 60 euros.
- Jeudi 19, troisième jeudi de novembre. Et c'est donc le jour du beaujolais nouveau. Pas de grande fête cette année mais vos cavistes vous attendent pour vous faire déguster ce millésime 2020 qui devrait tenir toutes ses promesses. Dans le Point, Jacques Dupont, le Monsieur Vin du magazine, évoque le « retour du vrai beaujolais ». « Nous n'en parlions plus, écrit-il, non pas par snobisme ou dédain. Le mépris affiché par tous ceux qui se croient les défenseurs d'un monde artisanal où le sabotier aurait encore sa place auprès de leur enceinte connectée nous donnaient plutôt envie d'en prendre la défense. Haro sur le baudet ! Comiques gras, bébés chroniqueurs, confondant humour et gourme, sans compter tous ceux qui, depuis, vomissent sur le bordeaux, nouvelle victime, ou encore partisans américains de l'intervention en Irak, vidant des bouteilles dans les caniveaux texans (parfois applaudis par quelques demi-vedettes françaises)… c'est fou ce que le beaujolais nouveau a suscité de haine.»
Après avoir rappelé certains errements de nombreux vignerons du beaujolais des décennies précédentes, goût de banane, arômes artificiels, vignes qui pissaient sans compter, vins à bas prix « au bout des gondoles des supermarchés » Jacques Dupont écrit que, « depuis quelque temps, on renouvelle le nouveau ». Bonne nouvelle. « Pas un ravalement de façade, une reprise en profondeur des gestes viticoles, poursuit le chroniqueur du Point. Et cette année, nous n'avons boudé ni ce vin ni notre plaisir à en déguster à l'aveugle une sélection d'une cinquantaine de vrais de vrai, de ceux qui ne relèvent pas de Monsieur Bricolage version cuve, élaborés par des vignerons de cette nouvelle génération ou de ceux qui n'ont jamais cédé au chant de la sirène financière. Et ces beaujolais nouveaux-là, dans six mois, dans un an, nous pourrons les déboucher, les savourer, ils n'auront pas pris une ride. L'obsolescence programmée n'est pas au programme. »
Voilà. Jeudi, plutôt que de bouder et de pester, comme chaque année, contre le beaujolais nouveau, goûtez-le, cherchez le bon, faites-vous votre opinion. Et ne soyez pas sectaire, testez aussi les autres primeurs, comme le touraine qui est proposé le même jour.
Je n'ai pas eu la chance de déguster les cinquante beaujolais cités dans le magazine mais on m'a envoyé, là, une bouteille du Domaine Piron, aujourd'hui dirigé par Julien Revillon, un « pur beaujolais » qui a rejoint Dominique Piron en 2013. Et on l'a ouvert sur une terrine de lapin maison, comme si nous partagions un mâchon avec des copains... Robe rubis, premier nez un peu bonbon, avant l'arrivée des baies rouges du jardin, un peu d'épices, des notes florales, une bouche tonique, des tanins frais, légère amertume, bref ça tient la route... jusqu'à la lampée suivante ! 7,50 euros.
- Du Beaujolais à la Savoie il n'y a qu'un (grand) pas mais du gamay à la roussette il y a évidemment tout un monde. Ouvert une soir, en cuisine, cette cuvée La Marété Marestel 2019 du Domaine Carrel_François et fils. Quid du marestel pour ceux qui ne connaîtraient pas ce vin de Savoie ? J'ai pompé ... « Cette dénomination géographique est liée à l'histoire du cépage altesse. Le marestel doit son nom à Claude Mareste qui importa de Chypre les premiers plants du cépage altesse. De retour de croisade, il les a offert, en cadeau de mariage, à Anne de Lusignan, fille du roi de Chypre, devenue la duchesse de Savoie. » Et c'est elle qui baptisa le vin issu du cépage altesse Marestel, en mémoire du Croisé. Quant à l'AOC Rousette de Savoie Marestel, elle fut créée en 1973... . Bref, comme disait Pépin le roi des Francs, on s'est régalés avec ce blanc paré d'une robe or, offrant un joli nez, sur des notes exotiques, un peu de coing, de miel et de fleurs blanches. Un vrai bonheur en bouche, ample et harmonieuse, caressante, suave, sur une finale élégante et grande voyageuse ... 10 euros de plaisir.
Les petites lampées reviennent bientôt....