Entre petites lampées et grandes folies, ne pas remettre à demain ce qui peut être bu aujourd'hui...
11 Octobre 2016
BOURGES. L'Ardèche ? Elle évoque dans ma petite tête des souvenirs très lointains. Les gorges, évidemment, des journées à pagayer. La plage des Templiers, un petit paradis fréquenté par des puristes ... Vallon-Pont-d'Arc, quand il n'y avait pas encore des hordes de touristes et des armées de camping-cars. Méjannes-le-Clape, le village écolo avant l'heure et les gorges de la Cèze. Des randonnées sur le sentier des Lauzes. Les merveilles souterraines d'Orgnac... Des bandes de chevelus, des dîners sous la lune pleins de rires et de fumée, des guitares, des harmonicas et un vieux Bedford transformé en camping car avec la porte coulissante décorée d'un grand soleil flanqué d'un slogan en allemand : Atomkraft ? Nein, danke. Je vous traduis ?
On ne buvait pas beaucoup de vin, à l'époque, plutôt des trucs plus forts, voyez, et je ne suis même pas sûr d'avoir su qu'il y avait des vignobles dans cette région, découverts beaucoup plus tard, à un âge que l'on dit plus mûr...
Mûr, le viognier doit l'être forcèment pour montrer tout son talent. Débarqué dans le Sud de l'Ardèche, il y a une vingtaine d'années, il donne, comme l'écrit Oz Clarke, dans son Guide des Cépages, « un vin que l’on peut qualifier de joli sans que ce soit une injure ». « Son goût rappelle les abricots qui poussent sur les rives du Rhône, à Condrieu, écrit le critique/écrivain britannique. La légende veut que ce cépage soit arrivé par bateau avec la syrah, pendant l’occupation romaine et soit resté là à Condrieu, à proximité de son débarcadère, îlot de bon goût et de distinction jusqu’au jour de son explosion dans le monde ». Et l'homme du vin le recommande notamment à l'apéritif mais aussi sur des crustacés ou des plats exotiques...
Ici, l'été, sous le parasol, ou au marais, à l'ombre du jasmin, on le boit volontiers à l'apéritif, ou avec des entrées et des salades, des tomates du jardin juste salées, du gros sel de mer, et arrosées d'huile d'olive parfumée au romarin et au thym...
Parmi les bouteilles ouvertes ces dernières semaines, c'est toujours l'été indien ici, cette IGP 2015 de la Cave de Valvignères, une coop sérieuse. Simple, pas cher, joli, comme dit Oz... qui n'est pas magicien. Technique ? « Pressurage direct, débourbage statique à froid, fermentation alcoolique puis malolactique.» Description ? De l'or pour la robe, bien pâle. Nez fruité, des fruits blancs, des touches florales, pivoine un brin, quelques notes épicées. Bouche sympa, douce, salivante, du fruit encore et le retour des épices. Pas d'une extravagante longueur mais les papilles restent heureuses. Il manquait peut-être un poil de fraîcheur quand on a ouvert le flacon après une matinée passée à relever les roseaux et les herbes du coulant... Combien ? Un peu plus de six euros. Oui, voilà, si tous les vins étaient aussi honnêtes ...
- Viognier encore avec cette cuvée Terre d'Églantiers 2015 des Vignerons Ardéchois. Une coop, oui, et une IGP là-encore. « Le viognier a été travaillé en rendement limité à trente-cinq hectolitres à l'hectare », précisent les vignerons. Pour la technique ? « Récolte exclusivement manuelle, 40 % du vin est élevé en fûts de chêne, le reste est vinifié en cuve à une température maîtrisée à dix-neuf degrés. Une fermentation malolactique est effectuée pour donner du gras. » Bon, pour le reste rien à voir avec son voisin du dessus. On est là sur une robe très colorée, brillante, un nez plus évolué, de l'abricot mûr presque confit, des notes cireuses, une bouche plus riche, plus grasse, moins désaltérante, qui appelle une jolie cuisine. On s'est un peu planté ici, en l'ouvrant sur des concombres à la crème... Mais il a parfaitement répondu à nos attentes avec la côte de veau ! Dans les 8/9 euros.
- Et en Ardèche, il n'y a évidemment pas que du viognier. Du chatus, aussi, j'en ai souvent causé ici. Et de la syrah. Les Vignerons Ardéchois, encore eux , proposent cette Terra Helvorum 2014, là encore une IGP. Technique ? « Cette syrah est issue d'une charte de qualité qui définit les pratiques culturales à mettre en œuvre. Rendement limité à 30-40 hectolitres à l'hectare. Vinification traditionnelle avec une durée de macération de quinze jours environ.» Pour le reste, un vin bien rustique qui demanderait un rôti de sanglier ou une pièce de bœuf grillée sous le soleil d'automne à la pause d'une récolte de pommes ... Robe sombre presque noire, encre violette, nez plein de fruits noirs écrasés, des pointes d'épices, du poivre écrasé, une bouche bien tenue, des tanins un brin envahissants, puis une certaine fraîcheur qui vient accompagner une finale fruitée et plus digeste que prévu. Moins de six euros.
- Changement de région et de cépage avec ce gamay noir à jus blanc. Oui, voilà, un beaujolais ! Dans un mois, c'est le nouveau ! Les réseaux vont encore se déchaîner... En attendant, voici cette cuvée Les Combes 2013, un Villages de Louis Tête. La technique ? « Une agriculture conventionnelle, des vendanges manuelles, une vinification beaujolaise traditionnelle avec cuvaison longue de neuf jours. Les raisins sont égrappés aux deux tiers. Élevage de six mois en cuves inox pour une grande partie et quelques fûts avant l’assemblage après neuf mois.» Jolie robe brillante, nez de soupe de burlats un peu épicée, des notes florales, une bouche croquante, des tannins encore causants, une belle intensité, avec un retour de fruits rouges en milieu de bouche et une finale rafraîchissante qui donne du peps ! Moins de 12 euros. Vive le gamay !
- Et on termine cet épisode avec un saint-émilion Grand Cru, millésime 2005, de Château L’Armont. Son histoire ? J'ai pompé ... « Ce domaine est né en 2002 quand Roger Caille, à la fois industriel lyonnais fondateur de Jet Services et passionné de bordeaux, achète Château L’Arrosée, Grand Cru Classé de Saint-Emilion. Dans la vente se trouve un petit vignoble (moins de quatre hectares) en appellation Saint-Émilion, vignoble dont la vinification était assurée par la coopérative. Avec un objectif qualitatif, Roger Caille décide alors de créer des installations de vinification propres, construites en 2003, et baptise le domaine Château de L’Armont. A la mort de Roger Caille en 2007, c’est son fils Jean-Philippe, comme son père passionné des vins de Bordeaux, qui reprend la direction du domaine. Comme pour L’Arrosée, Gilles Pauquet est l’œnologue conseil.» On avait bu avec des copains, il y a trois ans, un 2002. Aujourd'hui c'est un 2005, grand voire exceptionnel millésime, qui nous intéresse. Du merlot pour les quatre cinquièmes et du cabernet franc. Robe grenat foncé, très soutenue, nez sur des fruits noirs compotés à la cannelle, notes d'humus et de café moulu. Beaucoup de souplesse en bouche, bien tapissée, de l'ampleur, une jolie structure, des effluves de sous-bois, et une finale sur les fruits cuits avec un retour de notes de torréfaction... Sur une côte de bœuf bleue et avec deux copains qui avaient besoin qu'on leur remonte le moral... Et ils étaient ravis !
Les petites lampées reviennent bientôt...