Entre petites lampées et grandes folies, ne pas remettre à demain ce qui peut être bu aujourd'hui...
1 Septembre 2016
BOURGES. Lorsque j'ai débouché, l'autre soir, chez mon excellent beau-frère, ce magnum du Domaine Sérol, m'est immédiatement revenu le souvenir d'une virée en Côte Roannaise... Ça remonte à un demi-siècle au moins, oui, pas la peine de rigoler... Invité au baptême de la vigne plantée conjointement par Robert Sérol et Pierre Troisgros, qui était encore aux commandes du célèbre restaurant triplement étoilé par « le guide des pneus », là je plagie quelqu'un qui se reconnaîtra, j'étais arrivé en retard à la gare de Roanne. Un peu autour de midi, l'heure des braves. Devant son restaurant m'attendait Monsieur Pierre en personne. Il devait me transporter jusque dans les magnifiques côteaux où était déjà réuni, verre en main, un aéropage de journalistes, vignerons et dégustateurs. Sur la route, le rondouillard, joyeux et délicat Pierre Troisgros m'avait décrit le paysage, parlé des terroirs, dit tout son amour pour le gamay saint-romain, évoqué sa complicité avec Pierre Sérol et le respect qu'il lui portait pour son travail dans les vignes ... Une complicité qui remontait aux années 1960. Robert avait repris l’exploitation familiale de polyculture en 1964 dont deux hectares de vignes classés en VDQS... L'Appellation d'Origine Contrôlée Côte Roannaise est arrivée bien plus tard, en 1995.
Depuis la fin des années 1970, Pierre et Robert sélectionnaient une cuvée Vieilles Vignes baptisée Cuvée Troisgros, un VDQS, donc, proposée au restaurant et en boutique. En 1992, les deux amis allaient décider d’aller plus loin en plantant, ensemble, un vignoble, sur ce coteau pentu, idéalement exposé pour y installer du gamay saint-romain. Ils baptisèrent cette parcelle Les Blondins... Nom originel ? Hommage à l'écrivain journaliste ? Je n'en sais rien. Mais c'est bien tout là-haut que nous avions rendez-vous, ce jour-là, autour d'un mâchon de rêve, évidemment préparé par les cuisiniers de la célèbre maison. Ah, le pâté en croûte ! Les rillons ! Et l'on avait joyeusement passé notre début de journée à déguster, à causer vin et gastronomie, avant de redescendre au restaurant, au soleil déclinant, pour y déguster un puro cubain choisi par Pierre Troisgros dans la magique cave à cigares du restaurant...
Pas de puro, l'autre soir, mais une bande de copains réunis pour fêter les soixante-cinq ans de notre hôte. Avec, entre autres, cette cuvée Oudan 2012, proposée en magnum. Il s'agit d'une parcelle plantée par Stéphane Sérol il y a dix-huit ans sur le coteau d'Oudan. « Deux hectares en haute densité (8.500 pieds/ha), sur un sol granitique exposé plein sud où les raisins mûrissent plus précocement » explique le domaine. Encore un peu de technique ? « Vendange manuelle et tri au chai sur table vibrante, vinification en cuve tronconique en bois avec maîtrise des températures, éraflage de 40%, quatorze jours de fermentation-macération lente grâce aux levures indigènes, exclusivement, pressurage pneumatique, élevage de onze mois en cuve tronconique en bois et légère filtration avant la mise en bouteille. »
Et donc, donc ... Je vous sens impatient ... Un régal, du gamay comme on l'aime, mûr, sur le fruit rouge et l'écume de confiture de cassis, le raisin frais, des notes un peu pierreuses voire métalliques. Généreux en bouche, où se célèbre un heureux mariage entre des notes acidulées et un corps gras, charnel. Enfin, une longueur réjouissante, intense, riche, un peu épicée... Énorme potentiel de garde, me semble-t-il.
Trop tard, pour ce magnum ...
- Changement complet de région et de cépage avec une syrah et cette cuvée Abeouradou du Domaine Piccinini. Abeou Radou, ça veut dire l'abreuvoir, en langage local. Et j'adore cette étiquette qui donne soif ! Le nom de Piccinini est quant à lui intimement lié à cette région. Maurice a commencé très tôt à travailler dans les vignes avant de devenir le président de la Cave coopérative de La Livinière et de mettre toute son énergie au service de la reconnaissance du cru La Livinière, devenu AOC en 1998. Jean-Christophe Piccinini avait a peine vingt et un an quand il décida de mettre ses pas dans les pas de son père à une seule condition : avoir une cave bien à eux... Depuis quelques années, il la dirige seul, ajoutant ses idées à l'expérience du papa...
Ce 2010 ? Là encore un peu de technique, pour ceux que ça intéresse : « Vendanges manuelles, égrappage, foulage, macération préfermentaire à froid et délestages les trois premiers jours puis remontages journaliers, décuvage au bout de dix-huit jours, nombreux soutirages et élevage en fûts de chêne français, mise en bouteille et conservation en chai thermorégulé.»
Derrière une robe presque noire, un nez très complexe sur le fruit rouge compoté, des notes florales et de noix de coco, des fragrances épicées, des pointes de sous-bois, de croûte de pain bien cuit et de viande maturée. La bouche est souple et ronde, puissante, réglissée, épicée, les tannins sont devenus souples, la finale est impressionnante, sur une fraîcheur bienvenue. Un vin que l'on pourrait qualifier de couillu, et, j'ose, de tauromachique !
Les petites lampées reviennent très bientôt...