Entre petites lampées et grandes folies, ne pas remettre à demain ce qui peut être bu aujourd'hui...
28 Mars 2016
PARIS. « C'était un rêve » a révélé Jean-François Hesse à l'heure de l'apéritif. Mais le patron de l'agence Transversal a du batailler dur pour le réaliser. Trouver un créneau, déjà, une page libre, dans les agendas surbookés de ces fous (de vin) volants - flying winemakers- qui parcourent la planète pour distribuer leur bonne parole pinardière. Mais aussi faire avec l'égo de chacun... Et ils sont énormes, mais si. Derrière leurs poignées de mains plus ou moins chaleureuses, on sent bien poindre une certaine... rivalité. De bonne guerre... Bref, les faire asseoir à une même table, ou presque, ne fut probablement pas une mince affaire. Et tous les cinq n'ont d'ailleurs pas manqué de rappeler qu'ils étaient là par amitié, celle qu'ils portent au patron de Transversal...
Alors, on les présente ces cinq consultants. Dans l'ordre d'apparition sur la photo. Hubert de Boüard, l'homme d'Angélus, Stéphane Derenoncourt, le « mauvais garçon revendiqué », Denis Dubourdieu, le professeur, le très discret Éric Boissenot et celui qui a montré la voie, Michel Rolland. A tous les cinq, ils pèsent quelque huit cents domaines, plus de quarante mille hectares, soit la moitié du Bordelais, l'équivalent de la Bourgogne... Oui, quand même ! Ils sont présents évidemment dans le Bordelais, dans de nombreux vignobles et domaines français, mais aussi dans une quarantaine de pays... Consultants volants, toujours entre deux avions. Chacun leur style, chacun leur philosophie. Mais une passion unique : le vin, évidemment.
Pour réunir ces cinq-là autour de leurs vins et de la même table, il fallait que la table, justement, fût à la hauteur de ce « déjeuner du siècle », comme n'a pas hésité à le qualifier Jean-François Hesse. L'Arpège d'Alain Passard, oui, pas mal... Et un menu légumier que même certains confrères parisiens, toujours un peu caustiques, ont trouvé exceptionnel, c'est dire... « Le chef est là, et ça se voit, lui seul est capable de magnifier ainsi trois bouts de légumes ! ». C'est un bourlingueur des tables étoilées qui le dit...
Grand Siècle, un cuvée d'exception pour remettre les palais en forme après la dégustation apéritive des vins des domaines des consultants.
Après les tartelettes légumières, des mousses divines, céleri, betterave, servies sur une fine tranche de pomme de terre, qui ont tourné pendant l'apéritif, on nous a servi à table un " velouté fumant au foin de nos prairies" de topinambour puis un "ceviche de coquilles Saint-Jacques, pommes chochardes. À tomber... Avant un "sushi légumier au parfum de géranium", osé, et des "raviolis potagères dans un consommé ambré"... Un festival ! Puis, une "lasagne de céleri rave Monarch, châtaignes des Cévennes"... Et encore, une " volaille au foin, mousseline de pommes de terre, olive noire de Kalamata"... Enfin, mais oui, tout a une fin, une "jardinière Arlequin, merguez légumière à l'harissa, semoule à l'huile d'Argan" dont on aurait pu se passer pour aller directement au dessert, l'inimitable "millefeuille chocolat tout chocolat" qu'on ne mange nulle part ailleurs..
Le très abordable et délicieux 2009 de Lamothe-Bergeron, sur le sushi légumier au parfum de géranium... Pas facile !
Et dans les verres ? Pendant le manège des tartelettes légumières, le margaux 2005 de Château les Vimières ( propriété d'Éric Boissenot ), La Fleur de Boüard 2010 et l'étonnant merlot du Plus de La Fleur de Boüard 2009 (Hubert de Boüard), le côtes-de-castillon 2004 du Domaine de l'A (propriété de Stéphane Derenoncourt et de sa femme Christine), le côtes-de-bordeaux rouge 2005 de Château Reynon et le graves blanc 2011 du Clos Floridène (propriétés de Denis Dubourdieu). Le sauvignon argentin Marfiflor et le fronsac de Château Fontenil (propriétés de Michel Rolland). Nos cinq consultants sont aussi propriétaires...
A table, pour rafraîchir les palais avant les agapes, la sublime et élégante Cuvée Grand Siècle de Laurent-Perrier. Ensuite ? Le 2013 blanc de Château Pape Clément (Michel Rolland), un vrai bonheur. Le rouge 2009 de Château Lamothe-Bergeron (Hubert de Boüard), le haut du panier à la portée de toutes les bourses. Le sublime 2006 de Château Haut-Bailly (Denis Dubourdieu), racé et tout en élégance. Le 2000 très riche de Château Lagrange (Éric Boissenot). Et pour terminer, le 2001 de Château Pavie Macquin, Grand Cru Classé de Saint-Émilion plein de caractère (Stéphane Denoncourt). J'y reviendrai...
Cinq styles, cinq tempéraments... Cinq consultants !
Si beaucoup de chose les opposent, peut-être se retrouvent-ils pour autant dans cette phrase de Denis Debourdieu que je trouve très jolie. Elle résume sa philosophie et le but ultime de son travail : « Révéler le goût inimitable et délicieux du lieu où le vin a été produit.»
Les petites lampées reviennent bientôt...