19 Février 2011
Bourges. Nous étions huit à table. À ma droite, une sommelière japonaise, de plus en plus hilare au fur et à mesure qu'avançait le dîner... Elle aime le champagne et le bourgogne mais pas que; elle goûte avec bonheur et justesse; accompagne chaque gorgée d'un léger hochement de tête et ses yeux s'illuminent. Champagne et Bourgogne ? Notre hôte, qui préfère les bordeaux, a tout de même ce qu'il faut dans sa cave pour proposer une belle balade dans ces contrées.
Apéritif au salon, devant des toasts au foie gras, des petites quiches chaudes et des tranches de pain polaire à la crème de Saint-Jacques, saumon et sardines. Dans le seau à glace, une bouteille de Comtes de Champagne de la Maison Taittinger, année 1999, un des plus grands millésimes de cette décennie, champagne presque parfait, belles bulles, notes briochées et de pamplemousse, longueur et fraîcheur en bouche. Voilà qui met en forme... Pour ceux qui préfèrent les vins tranquilles, un chablis Grand Cru, les Preuses de Vincent Dauvissat, millésime 2003, mielleux et crayeux en même temps, tendu, minéral, bref un vin magnifique; et un autre chardonnay, cette fois de la Maison Louis Jadot, un meursault-blagny 1999, plus charnu que le précédent, sur des notes vanillées, beurré et légèrement exotique. Comme il y a parmi les invités un traître, comprenez quelqu'un qui ne boit pas de blanc, on lui a ouvert un saint-estèphe 2007, Château Phélan-Ségur, aux notes de café et de griottes, très typé cabernet sauvignon, velouté sur la langue et légèrement acidulé. Ceci pour dire que j'ai évidemment tout goûté avec, juré, promis, extrême modération... vu ce qui nous attendait ensuite...
Sur la table de la salle à manger, trois carafes de rouge et une bouteille, mais pas question de jouer les aveugles. Ici, on aime voir les étiquettes. Première carafe, un nuits-saint-georges 2000 Clos des Porrets, monopole du Domaine Henri Gouges. Seconde carafe, un échezeaux Grand Cru du Domaine François Lamarche, millésime 1990. Puis un chambolle-musigny Les Cras de Louis Jadot, 2001, que ma sublime voisine trouvera extrêmement féminin, ceci dit en anglais, dans une grâce toute nippone... Et la dernière bouteille, un vosne-romanée Premier Cru Les Malconcorts 2002 de la Maison Albert-Bichot. L'exercice ne fut pas facile ... Mais les commentaires passionnants, au point où l'on ne parla presque pas politique, plutôt voyages d'affaires ou d'agrément, vignobles et flacons rares. Pour accompagner ses quatre bourgognes rouges, une belle entrée composée d'une crème betterave/avocat, de pointes d'asperges vertes, de roquette et d'escargots présentés dans un gros champignon de Paris... Au jeu des saveurs et des accords,le chambolle-musigny fit l'unanimité, quand l'échezeaux 1990, plus évolué, fermier, très terroir, répondit avec plus de justesse au rustique plat qui suivit, un parmentier de canard fondant et moelleux.
Sur les fromages, certains hérétiques continuèrent sur les rouges alors que venaient d'êtres ouverts deux vouvray du Clos Naudin de Philippe Foreau, un sec 2007, un peu jeune, et un moelleux 2005, magnifique, qui appelait déjà le dessert, un gâteau meringué aux framboises sur lequel un dernier verre du phélan-ségur eut été également parfait si notre amateur de bordeaux ne l'avait pas terminé à l'heure du fromage dont il ne supporte ni la vue, ni l'odeur. Quant à ma voisine, réjouie, elle nous quitta au premier verre de vouvray. Probablement pour aller rêver du soleil levant...