9 Novembre 2010
Millésime. Paroles de spécialistes, le millésime 2010 en Centre-Loire devrait être « un grand classique ». Les termes sont de Bertrand Daulny, le directeur du Sicavac, le laboratoire d'analyse installé à Sancerre. Voici son analyse.
« Le climat 2010 modérément sec a été rythmé au long de la saison végétative par les alternances de fortes chaleurs et de températures fraîches. Aussi, la maturation, comme tous les stades – débourrement, floraison et véraison – a été marquée par un démarrage lent et un achèvement dans des conditions climatiques optimales. D’un bel équilibre en bouche associant plénitude et fraîcheur, caractérisé par de superbes arômes fruités en blanc comme en rouge, 2010 est un grand classique.
La campagne viticole. Après un débourrement relativement tardif, la floraison s’est étalée sur trois semaines. Les températures basses de mai et de début juin ont provoqué de la coulure en de nombreux endroits, surtout sur les blancs. La dernière décade de juin et tout le mois de juillet particulièrement chauds (+2°C par rapport aux normales) ont permis de rattraper le retard à la fermeture de la grappe. Et puis, à nouveau, c’est un climat plus froid, entrecoupé de belles journées, qui s’est installé en août et septembre, si bien que la véraison fût longue et marquée par une certaine hétérogénéité. Sur l’ensemble de la période végétative, le déficit pluviométrique est de 15%. Un épisode de grêle a touché une partie importante du vignoble de Châteaumeillant. Les autres vignobles du Centre-Loire n’ont pas subi de dégâts significatifs. La pression des maladies cryptogamiques fut moindre par rapport aux années précédentes. Le mildiou se manifesta tardivement, tandis que l’oïdium était un peu plus virulent. La relative sécheresse dans la profondeur du sol a préservé l’état sanitaire qui est resté bon jusqu’à la récolte. L’inquiétude est surtout venue des maladies du bois (esca, black dead arm) dont les symptômes se sont exprimés dans des proportions élevées, jusqu’à plus de 15 % de ceps touchés sur certaines parcelles.
La maturation. Ralentie dans sa première phase, la maturation s’est accélérée graduellement à la faveur des petites pluies et des périodes de plus fortes températures. La dernière semaine s’est révélée déterminante pour la qualité du millésime. En particulier, les acidités un peu élevées au début se sont bien rééquilibrées par la perte d’acide malique, tandis que les teneurs en sucres augmentaient de façon aussi impressionnante qu’inespérée. La fraîcheur nocturne et les journées ensoleillées, chaudes sans excès, ont peaufiné la maturité des arômes.
Les vendanges. La majorité des vignobles (Sancerre, Pouilly, Coteaux du Giennois, Châteaumeillant) ont ouvert les vendanges le 27 septembre. Reuilly et Quincy avaient donné le ban le 20, tandis qu’il fallut attendre le 29 septembre à Menetou-Salon. Les dates de récolte ont suivi les écarts de floraison et pratiquement tout était fini de rentrer le 15 octobre, les tout derniers ayant terminé le 19 octobre. Les vendanges se sont déroulées sous un ciel clément, hormis la grosse pluie du 4 octobre qui a permis d’achever la maturation dans les parcelles tardives. En général, les rouges ont été cueillis dans la première moitié des vendanges, exceptés quelques uns qui ont eu des très beaux résultats en repoussant la récolte à la fin avec un tri rigoureux.
Les premières impressions du millésime. Les blancs exhalent toute la richesse et la finesse aromatiques du sauvignon selon les origines (sols, expositions). Le fruité étonnant des moûts se retrouve dans les vins : les fruits exotiques (passion, mangue), la pierre à fusil, le buis et autres nuances végétales (rhubarbe, pois, asperge). Amples, ils sont équilibrés. Soutenus par une juste et belle vivacité, ils affirment une présence, une fermeté et une longueur remarquables au palais. Leur potentiel de conservation est certain et beaucoup n’atteindront leur pleine expression qu’après douze à dix-huit mois d’élevage. Les rouges aussi sont séduisants par leur fruité intense (fraise, framboise, cassis, mûre). En bouche, l’attaque est ferme. Les tanins austères, parfois vigoureux, bien soutenus par du gras, confèrent de la solidité et de la longueur à la structure. La fermentation malolactique saura apporter de la rondeur. Plus sur l’élégance que sur la puissance, ils pourront être prêts assez tôt (fin 2011) mais aussi se garder pour les cuvées les plus denses.