9 Février 2013
Bourges. J'avais déjà goûté le premier jus il y a quelques années, en 2007 je crois. J'y suis revenu au Salon des vins de Loire d'Angers pour faire découvrir, à deux amis journalistes, ce rouge léger issu d'un cépage qui a failli bel et bien définitivement disparaître. Le genouillet était, il y a longtemps, le cépage majoritaire de la région d'Issoudun, dans l'Indre, mais il ne résista point au phylloxera... Mort, oublié, le genouillet ? Pas tout à fait...
Dans les années 1980, Paul Dufour, qui fut un des membres éminents de la Socicété vigneronne, découvrit quelques pieds de ce cépage et décida de le sauver. Il fit venir Pierre Galet, l'auteur du Dictionnaire des cépages. Les ceps, une douzaine pas plus, furent transférés à l'Union des ressources génétiques du Berry de Tranzault (Indre) et l'INAO accepta l'expérience suivie par le Sicavac de Sancerre. Cent cinquante pieds de genouillet furent comparés à autant de pieds de gamay puis plantés, en 2005, chez des vignerons volontaires et propriétaires, acceptant d'immobiliser une de leurs parcelles. Maryline et Jean-Jacques Smith (photo), Domaine de Villalin, à Quincy. Rien de bien surprenant de leur part, ce sont des vignerons mainteneurs des traditions, ils possèdent des ânes de la race grand noir du Berry, lui joue de la vielle comme personne, les deux savent tout du Berry et de son patrimoine.
«L'expérience nous a passionnés », commentent-ils aujourd'hui en sortant une bouteille de ce fameux genouillet. Qui a été autorisé officiellement en 2011. Un demi hectare a été planté de cent cinquante pieds de gamay surgreffés. En 2012, le millésime qui est dans nos verres, cent vingt litres ont été récoltés. Le genouillet est un cépage "pissant" qu'il faut maîtriser. Six grappes par pied, pas plus. L'avenir ? Pour le prochain millésime, la récolte sera normalement doublée. Et ainsi de suite... On pourra donc, disons très bientôt, enfin déguster en vin de table, en dehors de l'appellation Quincy, qui n'autorise que le sauvignon, ce rouge léger, vif, équilibré, aux arômes originaux, sur le cassis, qui n'est pas sans rappeler son lointain cousin le gamay. Reste aujourd'hui à trouver d'autres vignerons qui accepteront de planter du genouillet...
Pierre Picot, Domaine de Chaillot, à Châteaumeillant, semble intéressé. Lui aussi se passionne pour les vieux cépages et propose même dans sa gamme un cent pour cent tressailler (assemblé au sauvignon ou au chardonnay dans le saint-pourçain) qu'il cultive dans la partie bourbonnaise de sa vigne de Sainte-Agathe. Il est associé à une expérience quasi identique concernant le gouget. Un vieux cépage rouge de la région de Domerat, près de Montluçon, également connu dans le sud du Cher. Il n'en reste aujourd'hui que quelques pieds. Un groupe d'élèves du lycée Jean-Moulin travaille depuis quelques mois à retrouver le patrimoine génétique de ce gouget qui devrait faire l'objet, dans les années à venir, d'une vigne conservatoire plantée sur une des parcelles de Pierre Picot...
Il faut sauver les soldats genouillet et gouget !
PS. Pour en savoir plus sur l'expérience menée à Saint-Amand, lire l'excellent papier de Valérie Mazerolle, dans le Berry républicain du vendredi 8 février. Voici le lien : La génétique au service de la mémoire.