20 Novembre 2019
APPELLATION. En tant que Jurassien, par le père, la mère et ... saint d'esprit, je pourrais être aussi catastrophé que les vignerons du cru. Pensez ! Le Conseil d'État a rejeté la semaine dernière la requête des viticulteurs du Jura qui réclamaient l'annulation de l'Appellation d'origine contrôlée Corrèze, permettant d'utiliser la mention Vin de paille sur les bouteilles de vin ... paillé !
L'affaire remonte à 2014. À l'époque, les Jurassiens avaient obtenu du même Conseil d'État que les Corréziens ne puissent pas utiliser la mention Vin paillé. Trois ans plus tard, les vignerons de Brive avaient réussi à obtenir l'Appellation d'origine Contrôlée Corrèze, leur ouvrant le droit de produire du Vin de paille. Une AOC à nouveau attaquée par les Jurassiens. Combat perdu donc.
« Dans le c... les Jurassiens ! » Le poétique message d'un de mes amis Fous de vin et... Corrézien d'adoption, n'a évidemment pas manqué de me faire marrer... Le Vin de paille, qu'il soit du Jura ou de Corrèze, est tellement confidentiel que je ne suis pas sûr que ce combat méritait tout ce tintouin.
Sachez que, de part et d'autre de Brive-la Gaillarde, une trentaine de vignerons cultivent des vignes sur une centaine d'hectares et produisent majoritairement du rouge mais aussi un Vin paillé, une appellation qui n'était pas du goût des vignerons du Jura, principaux producteurs de Vin de paille depuis la fin du XIXe siècle.
Le vin de paille ? Ben oui, tellement confidentiel que beaucoup de Français ignorent même ce que c'est. Un liquoreux. Issus de raisins passerillés, vendangés à la main et séchés pendant au moins six semaines sur des claies, autrefois en paille. Le raisin est ensuite pressé. On en sort un véritable jus de goutte, cent kilos de raisin donnant une vingtaine de litres de vin... Sans soufre ajouté, il est ensuite élevé trois ans avec un passage en fûts pendant dix-huit mois. Dans le Jura, ce sont quelque deux cent mille bouteilles de 37,5 centilitres qui sont ainsi produites contre ... cinquante mille en Corrèze.
La guerre des vins de paille va probablement s'arrêter là même si les vignerons jurassiens, qui se disent «abasourdis » par la décision du Conseil d'État, cherchent un recours côté instances européennes. Pour le reste, je veux bien de temps à autre goûter le corrézien issu des cépages cabernet sauvignon, cabernet franc, chardonnay ou sauvignon blanc. Mais je resterai fidèle au jurassien, qu'il soit issu du poulsard, du chardonnay, du trousseau ou du magnifique savagnin, oui ce cépage unique qui donne le Vin jaune... Que les Corréziens ne sont pas près de pouvoir imiter !