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Les Fous de vin d'Alain Fourgeot

Entre petites lampées et grandes folies, ne pas remettre à demain ce qui peut être bu aujourd'hui...

Au Divellec, cuisine iodée et petites lampées hermitagées de Carnivore, entre autres ...

- Bordeaux hermitagé ou cornas gravisé ? Quand le cabernet franc des Graves rencontre la syrah de Cornas...

- Bordeaux hermitagé ou cornas gravisé ? Quand le cabernet franc des Graves rencontre la syrah de Cornas...

PARIS. Avez-vous déjà bu un bordeaux hermitagé ? Vous oui, je sais, vous êtes une encyclopédie du vin à vous tout seul... Mais vous, là, mon fou de vin amateur, savez-vous ce que c'est ? Une idée ? Voilà ... Un assemblage de cépages bordelais et de cépages du nord de la vallée du Rhône, là où se trouve la colline de l'Hermitage et l'appellation du même nom. Oui, ce n'est pas nouveau, c'est même une assez vieille tradition, elle remonte aux XVIII/XIXème siècles. Elle permettait de redonner une certaine virilité à des bordeaux qui en manquaient sérieusement. Elle a été revisitée ces dernières années par de grandes maisons. Château Palmer, par exemple, depuis 2004. L'œnologue de Château La Lagune a également vinifié une cuvée du même style, baptisée Évidence de Caroline (Frey).  

Et voilà qu'on nous en présente un tout nouveau, il vient juste d'être mis en bouteille, a été baptisé Carnivore.  Il est le fruit d'un assemblage du cabernet franc et de la syrah, à parts égales. Le premier provient du Clos Floridène, à Barsac;  la seconde, des Terres Brûlées, à Cornas. On doit cette naissance à une rencontre, celle de Laure Colombo, la fille de Jean-Luc Colombo, avec Jean-Jacques Dubourdieu, le fils de Denis Dubourdieu *, tous les deux « amateurs de bonne chère, épicuriens et assoiffés de vie ». Carnivores...

« Un bordeaux hermitagé, certes, mais pour le coup c'est le cabernet qui est allé à Cornas, explique Jean-Jacques Dubourdieu. Par la route ... Dans les deux cas, les raisins ont été vendangés manuellement, égrappés et vinifiés en cuve. Les vins ont été élevés quatorze mois en fûts de chêne, un quart de neufs, les autres de un à quatre vins. Ça arrondit considérablement l'ensemble. Il a été mis en bouteille il y a une semaine...»  « Un vrai bébé » ajoute Laure Colombo. Elle parle, elle, dans un sourire à craquer,  d'un « cornas gravisé »... Ajoutant qu'il s'agit « du mariage de deux terroirs avant celui de deux cépages ». Le gore (granit de Cornas) et le calcaire de Barsac. 

Six cents bouteilles seulement pour ce premier millésime, 2015, classé en Vin de France... Prix : 29 euros ! Le résultat ? Un vin gourmand, presque croquant, sur les baies noires mûres, des notes d'épices et de poivre blanc, une belle intensité en bouche et une longue finale à la fois douce et dense. Sera parfait avec une viande. Mais pas vraiment à sa place avec le vieux beaufort et ses deux feuilles de salade servi l'autre jour au déjeuner...

- Avec les huîtres au sabayon de cresson, le graves du Clos Floridène 2014.

- Avec les huîtres au sabayon de cresson, le graves du Clos Floridène 2014.

Un déjeuner signé Mathieu Pacaud, l'échevelé nouveau chef du Le Divellec, le célèbre restaurant de poisson de la place des Invalides. Rouvert à la fin de l'été, il a été refait de fond en comble, entièrement redécoré, un magnifique bar très couru, dit-on, trônant dorénavant au milieu de la grande salle à manger. Bel endroit.

A l'apéritif, sur les gougères, toujours en vogue dans les restaurants parisiens, un saint-péray, la cuvée Belle de Mai 2015, un des crus de Jean-Luc Colombo.  De la roussane, majoritaire, assemblée à la marsanne, le tout vinifié en barriques de chêne puis élevé sur lie un peu plus d'un an en fûts. Derrière l'élégance d'une robe dorée, un nez sur les fleurs printanières doublées de notes de zestes d'agrumes mûrs, bouche très flatteuse, ample, fruitée,  avec le retour des agrumes et de pointes légèrement iodées, finale désaltérante. Dans les 26 euros chez les cavistes.

Sur de grosses huîtres un peu trop tièdes, noyées dans un sabayon de cresson, on nous  a servi le graves blanc 2014 du Clos Floridène, à Pujols-sur-Ciron, un domaine entièrement constitué par les Dubourdieu. Un assemblage de sauvignon et de sémillon (40%), qui ... sauvignonne au nez et ... sémillonne en bouche, au fur et à mesure qu'il s'ouvre. Or vert pour la robe, un nez très  complexe et intense, des fruits blancs et des agrumes, du pomelo et des feuilles de citronnier froissées, des notes de craie blanche et de grillé, une bouche conquérante et une longueur symphonique. Grand vin à encaver. Dans les 20 euros. 

Dans les assiettes, on poursuit sur les notes iodées avec ces palourdes gratinées au beurre de citron vert, un peu cuites, mais délicatement parfumées, escortées de la cuvée Les Anthénors 2014, un cent pour cent clairette, signé Jean-Luc Colombo. « Un cépage chiant, qui donne des choses fantastiques » avoue Laure Colombo. Voici l'exemple... Un autre  monde ! Des arômes sudistes, du fenouil  sauvage et du thym, des zestes d'agrumes, une bouche citronnée, ronde et une finale sur des notes exotiques. Dans les 30 euros.

- Avec les palourdes au beurre de citron vert, la clairette des Anthénors 2014,

- Avec les palourdes au beurre de citron vert, la clairette des Anthénors 2014,

- Avec le mulet au vin, Château Reynon 2005...

- Avec le mulet au vin, Château Reynon 2005...

Le mulet noir et ses morceaux de céleri, était escorté d'une parfaite sauce au vin rouge, veloutée, très parfumée. Dans les verres, le cadillac-côtes-de-bordeaux 2005 de Château Reynon, du merlot (80%) et du cabernet sauvignon. « Un vin qui bien évidemment me fait penser à mon père, explique Jean-Jacques, il avait vingt-sept, ma mère vingt-quatre quand ils ont repris le domaine de mon grand-père maternel en 1976.»  Reynon est l'exemple parfait d'un très bon bordeaux à prix raisonnable... Très rond, caressant, tanins très fondus, fruits noirs mûrs, zan, notes de fumée, pointes de sous-bois, finale puissante et longue. Tout cela pour un incroyable rapport qualité/prix, dans les 12/15 euros pour les millésimes récents.

On attendant le... Carnivore, on a également servi le cornas La Louvée 2011, signé Colombo, issu de vieille syrah, des vignes presque centenaires. Robe admirable, profonde et brillante, nez étonnant, fruits noirs compotés, des notes de fumé, de menthol et de garrigue humide, une bouche immense, ronde et équilibrée, finale soyeuse. 72 euros, ben oui !

Quant au dessert, il était à la fois dans l'assiette et dans le verre... Un sauternes-barsac 1990 de Doisy-Daëne. « Encore un truc énorme », commente mon voisin. Du sémillon (80%) et du sauvignon, récoltés en pourriture noble, pressés lentement, le jus fermentant dix mois en barriques, suivi de neuf mois d'élevage en cuve inox. Une vraie boîte à surprises, pleine de fruits confits, ananas, abricots, des notes de safran, de coing. Une bouche ample et nerveuse, sur une finale interminable. Comme une envie de le garder en bouche... Il a plus de vingt cinq ans ce flacon, n'a pas pris une ride. Jeunesse  et fraîcheur éternelles ! Dans les 60 euros pour ce liquoreux que l'on peut ouvrir dès l'apéritif. Pour les fêtes, c'est ça, ça vous changera des bulles et ça épatera vos invités et la petite famille...

Les petites lampées reviennent bientôt...

* Denis Dubourdieu est décédé en juillet dernier. 

... et le cornas, La Louvée 2011.

... et le cornas, La Louvée 2011.

- Le sauternes 2014 de Doisy-Daëne, pour la clémentine en émulsion de vanille et marrons glacés.

- Le sauternes 2014 de Doisy-Daëne, pour la clémentine en émulsion de vanille et marrons glacés.

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