5 Mai 2016
BOURGES. Sur huffingtonpost.fr, un papier de Fabrizio Bucella, professeur et sommelier. Qui pose la question suivante : « Qu'est-ce qu'un vin rosé ?» Et donne cette réponse : « Ni trop doux, ni trop dur, il doit éveiller les sens, sans charger le palais.» Pourquoi pas... Et notre ami belge, oui, le professeur enseigne à Bruxelles, de reprendre une partie d'un paragraphe du livre, très érudit, d'Azélina Jaboulet-Vercherre (1), paragraphe consacré à « l'ambivalence de la framboise »... Dans lequel est rapportée une citation du médecin du bon roi Henri IV, l'homme de la poule au pot. Ce Nicolas Abraham de la Framboisière (1577-1640) - ça ne s'invente pas - songeait-t-il au vin rosé en écrivant ceci ? Peut-être... « Le vin qui tient le mitant entre le doux et le aspre, doit estre preferé à tous deux. Car il excelle en bonté de suc, et si exempt de la nuisance, qu'apporte l'une et l'autre extrémité. Ioint qu'il est friand et delicat à boire, à cause qu'il a une douceur tant soit peu aspre, semblable à la framboise, si agreable au goust, qu'il n'est rien de plus, par ce qu'il pique un peu sur la langue. ». Le vin rosé tel qu'on le connaît existait-il en 1510, lorsque la Framboisière écrivit son ouvrage baptisé Le gouvernement nécessaire à chacun pour vivre longtemps en bonne santé ? Rien n'est moins sûr...
Pour l'heure, et depuis quelques années maintenant, le rosé est à la mode. Beaucoup de vignerons n'y croyaient pas qui sont aujourd'hui bien obligés de suivre le mouvement. Les Français en boivent trois fois plus qu'il y a vingt-cinq ans, étant aujourd'hui les plus gros consommateurs de rosés. Dont les ventes explosent aux États-Unis et dans les pays du Nord de l'Europe...
Évidemment, tout n'est pas rose dans le rosé... On n'est pas obligés de boire n'importe quoi et de succomber à n'importe quelle jolie robe ... Dans le dernier numéro de la Revue du vin de France (2), le directeur de la rédaction, Denis Saverot, pense qu'un bon rosé est « un vin qui sent le raisin ». « Comme pour toutes les choses importantes, la simplicité reste l'axe fondamental, poursuit-il. Un bon rosé, c'est d'abord du raisin avec des touches d'épices, de fruits rouges, de petites baies.» Pourquoi pas. A lire, dans cette même RVF, la sélection, signée Alexis Goujard, de soixante cuvées à boire cet été.
Ici aussi, dans les semaines qui viennent, place au rosé. J'en achète, j'en reçois, j'en bois chez des vignerons et chez des amis et ici ON l'aime ...
Ça commence par cette cuvée La Borie Blanche 2015 des Vignobles Lorgeril. Nicolas et Miren de Lorgeril sont propriétaires de six domaines, entre Languedoc et Roussillon, dont celui de La Borie Blanche, vingt-quatre hectares situés sur l'appellation Minervois-La Livinière. L'assemblage de ce « rosé de saignée réalisé à la pointe du jour », comme le précisent les propriétaires ? Grenache (60%), cinsault et syrah à parts égales pour le restant. La robe, délicate et claire, pourrait être portée par une jeune fille en fleurs. Lesquelles affleurent au premier nez, suivies par des notes de petites baies, peut-être un peu de pêche et d'abricot. Belle attaque, vive, bouche ample avec un brin de sympathique amertume mentholée désaltérante en finale. A servir avec de vrais tapas. Où, comme ici, avec des pieds de cochons panés passés au four sur un bouquet de thym en fleurs ... Dans les 11 euros.
- La Loire... Le Chinonais. Durement touché par les dernières gelées d'avril. Boirons-nous du 2016 ? Espérons... En attendant voici ce joli rosé de cabernet franc, la cuvée Marie Justine de Baudry-Dutour, déjà appréciée dans des millésimes précédents. Un rosé de saignée, élevé en cuve inox. Sous une robe « œil de gardon », propose le domaine... Le nez est élégant mais d'une grande discrétion, sur le raisin et le fruit rouge frais, notes d'agrumes. Belle vivacité à l'attaque, bouche fruité et désaltérante, épices fugaces... en finale. Sur des boulettes de viande au piment japonais à la peau d'orange... Dans les 7 euros.
- Les Coteaux du Lyonnais ! Une toute petite appellation qui mérite d'être connue. Comme chez le voisin du Beaujolais, c'est le pays du gamay noir à jus blanc. Je reparlerai plus tard des rouges. L'heure est aujourd'hui à cette cuvée du Domaine du Clos Saint-Marc, vingt-cinq hectares situées au sud-ouest de Lyon, sur les communes de Taluyers et Orliénas. Les raisins proviennent des vignes les plus jeunes de la propriété, dans les vingt ans. « Vendanges de nuit pour conserver la fraîcheur des jus clairs », est-il précisé. Derrière une jolie robe pâle, un nez à la fois floral et fruité, une bouche très friande, sur de petites notes acidulées, du menthol et quelques pointes épicées en finale. On l'a osé avec de grosses asperges blanches des Landes. Pas mal... Moins de 6 euros. On fait le plein pour cet été !
- On termine par un bandol. Un bandol bio du Domaine de La Nartette, propriété du Conservatoire du littoral. Les vins sont vinifiés au Moulin de la Roque, un groupement de près de deux cents vignerons. Nous sommes sur du grenache (65%), associé au mourvèdre (25%) et à la syrah. Robe un peu soutenue, nez mûr, frais et fruité, racé, notes de petites baies, d'herbe humide et d'arbres en fleurs. Attaque puissante, bouche ample et complexe, sur une finale un peu amère. Pas franchement un vin d'apéritif... Ou alors pour accompagner de fines tranches de lard blanc salé (lardo di Colonnata) berrichon et des tartines de pain grillé... Dans les 10 euros.
Les petites lampées, de toutes les couleurs, reviennent bientôt...
(1) Azélina Jaboulet-Vercherre avait déjà publié un passionnant Florilège de discours savants sur le vin. Dans son second ouvrage, Le Vin, entre nature et culture, elle propose une sorte de voyage initiatique dans le monde du vin, en compagnie de tous ceux qui l'ont chanté, commenté ou ... décortiqué depuis qu'il existe. « Ce livre vise à vous aider à faire du choix du vin un jeu radieux, prélude à une soirée riche en émotions » écrit-elle dans l'introduction de l'ouvrage bourré de références. Dont l'ultime objectif est de nous inciter à faire confiance à notre goût et à démontrer que « chacun a les capacités de défendre son jugement et de donner son avis ». ( Éditions Féret. 144 pages. 18,60 euros).
(2) Dans la dernière RVF, Raoul Salama consacre ses Dessous de la carte au restaurant berruyer Le Cercle. Avec ce titre : La Loire et le Jura coulent à Bourges. Le journaliste évoque des « menus (qui) proposent des plats bicéphales où le même produit est décliné en deux versions ». Côté vin, il rappelle que le sommelier, Stéphane Morand, natif du Jura, « s'épanouit dans les méandres de la Loire et de son vignoble natal aux multiples expressions» et précise que sa carte compte aujourd'hui quelque trois cents références...