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Les Fous de vin d'Alain Fourgeot

Entre petites lampées et grandes folies, ne pas remettre à demain ce qui peut être bu aujourd'hui...

Au Grand Véfour, petites lampées autour des vins de Château La Haye...

Au Grand Véfour, petites lampées autour des vins de Château La Haye...

PARIS. Je n'ai pas pu poser mon postérieur sur une des banquettes qui ont vu passer les fesses des nombreuses célébrités ayant fréquenté le Grand Véfour et dont vous lirez, ici, la passionnante histoire... Le déjeuner organisé l'autre jour, autour des vins de Château La Haye, ne se tenait pas dans la grande et mythique salle du rez-de-chaussée, donnant sur la galerie de la cour du Palais Royal, mais dans le petit salon du premier étage de cette belle maison où règne, depuis presque toujours, enfin depuis 1991... le « petit prince de la gastronomie » Guy Martin, devenu propriétaire de ces lieux uniques en 2011.

Dix jours après les horreurs du vendredi 13, l'ambiance était toujours un peu pesante sur la capitale et les jardins du Palais un peu déserts, nous étions, certes, un lundi. À l'heure de l'apéritif, autour des 2014 des propriétés de Chris Cardon, les attentats étaient bien évidemment au centre des conversations, plusieurs invités ayant perdu un proche ou une connaissance... Là encore, comme je le fais depuis ces évènements, à l'ouverture de chaque nouveau flacon, j'ai dédié mon premier verre à tous ceux qui ne pourront plus jamais lever le leur, une dédicace en forme de doigt d'honneur adressé aux barbares de tous poils...

Après les amuse-bouches, dont de magnifiques crevettes en tempura, place à l'entrée emblématique du chef : des ravioles ( un peu trop tièdes) de foie gras relevées d'une crème foisonnée truffée... Première truffe ! Début de saison ! Avec le blanc 2013 du domaine, un assemblage de sauvignon gris, de sauvignon blanc et de sémillon, vinifié en cuve, offrant, dans un drapé paille, un nez droit et fleuri, sur les fruits blancs, et une bouche bien en chair avant une jolie finale un brin iodée. En vente au domaine à 7 euros, un cadeau.

Puis arriva une daurade royale (crue), marinée au gingembre et aux graines de coriandre, tartare d'avocat et caviar des champs... Sur laquelle Guy Martin "osa" proposer le rouge du château dans le grandissime millésime 2010. Servi un peu frais. Et ça fonctionne ? Oui, parfaitement... Merlot (55%), cabernet sauvignon (35%), un soupçon de petit verdot et de cabernet franc pour cet assemblage élevé en barriques (30%) neuves pendant plus de douze mois. Pas de collage, filtration légère. Beaucoup de matière donc pour ce vin complexe, bavard, notes de fruits noires et traces d'épices, une élégance sophistiquée, sur une finale pleine de volume. 26 euros.

Très différent, le millésime 2012. Merlot et cabernet sauvignon à 50/45, plus du petit verdot. Il a connu « des vendanges plus tardives, pour des raisins à maturité maximum », explique le directeur du domaine, Frédéric Boulanger. Servi carafé. Nez joyeux et explosif, du fruit, des baies noires, des notes de croquet grillé et un parfait bonheur en bouche, sur des tanins très fins, encore bien présents, qui ne gomment ni la fraîcheur ni le moelleux. Il escorta un filet d'agneau rôti, fine croûte de livèche, lait de panais infusé au foin... Un plat superbe, juteux et gourmand.

- Le cube manjari ! Un dessert surprise, à casser avec un couteau pour découvrir des quartiers d'orange et un sorbet mandarine.

- Le cube manjari ! Un dessert surprise, à casser avec un couteau pour découvrir des quartiers d'orange et un sorbet mandarine.

Puis vint sa Majesté sur un surprenant désert, un cube manjari, orange et grenade, sorbet mandarine, biscuit coco. Le 2012, carafé, de cette « micro cuvée », créée à la demande de Chris Cardon, dès son arrivée au domaine, est un assemblage, à parts égales, de merlot, « pour le fruit » et de cabernet « pour les épices ». Élevage en barriques neuves. Belle robe rubis, nez encore fermé, notes florales, de vanille, d'épices, de cèdre. Vif et tendu, charnu, sur des tannins fins et élégants. ... Mon excellence à son prix : 60 euros.

A l'heure des mignardises, venu partager le café à notre table, Chris Cardon n'a pas manqué de rappeler qu'il souhaitait faire de Château La Haye une des références de Saint-Estèphe et qu'il réfléchissait à des projets liés au tourisme. « C'est l'un des plus vieux châteaux de l'appellation, rappela-t-il, en montrant le monogramme royal repris sur les étiquettes, un H et un D entrelacés, également gravés dans la pierre à l'entrée du château. « Et nous sommes au cœur d'une magnifique appellation. Le vin, ce n'est pas seulement une question de prix, c'est aussi la terre, l'histoire, les hommes c'est ça qui est passionnant » a précisé cet homme d'affaires, patron du groupe Ecuphar, une entreprise de produits pharmaceutiques pour animaux domestiques forte de deux cent quarante employés. Grand sportif, devenu amoureux de la région grâce au marathon du Médoc, il a acheté La Haye en 2012. Depuis cette date, Chris Cardon a décidé d'investir beaucoup d'argent dans ses domaines bordelais. De dix hectares, La Haye est passé à près de vingt hectares, après l'acquisition de plusieurs parcelles dont une, d'un peu plus de trois hectares, appartenant à Château Lafon-Rochet. Au printemps dernier, a également été finalisé le rachat de dix hectares des vignes de Château Vieux Coutelin, Cru Bourgeois de Saint-Estèphe. « Nous allons peut-être nous arrêter là, ajoute Chris Cardon, notre objectif est maintenant de travailler, avec notre œnologue conseil Éric Boissenot, à toujours plus de qualité et à la sélection parcellaire. Pour des créations haute-couture. »

Les petites lampées reviennent bientôt...

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