27 Avril 2015
PARIS. Allez, on commence pour un petit cours d'Histoire pour tous ceux qui ne connaîtraient pas l'origine du nom du « Versailles du Médoc »... Dont la construction fut commandée par l'évêque François de Foix-Candale en 1565. Sa nièce, l'héritière, épousa Jean-Louis de Nogaret de Valette, le mignon d'Henri III. Le Nogaret était donc homme puissant, gouverneur de Provence et de Guyenne. Et on raconte donc que, pour saluer sa grandeur, les navires passant devant le château devaient baisser les voiles en signe d'allégeance d'où le nom de "baisse-voile" devenu Beychevelle... Son emblème : un navire à proue de griffon, gardien du cratère de vin de Dionysos, baissant la voile.
Château Beychevelle, Grand Cru Classé de Saint-Julien, aujourd'hui propriété de Grands Millésimes de France (détenu à parité par les groupes Castel et Suntory) était jusqu'à présent du genre discret. Mais les temps étant ce qu'ils sont, les propriétaires ont décidé de passer la vitesse supérieure, de communiquer et de prendre le vent de l'œnotourisme... Ont débuté d'importants travaux de rénovation avec la construction d'un nouveau chai, sur deux niveaux, à la pointe des nouvelles techniques, qui sera livré en juillet 2016, et d'un nouveau cuvier en verre, ouvert sur les vignes. Beychevelle vient également d'ouvrir sa Table. « Ni hôtel, ni chambre d'hôte, elle s'apparente à une maison de famille où tout est fait pour que le client se sente chez lui », explique Philippe Blanc, gérant du domaine. Trois ans de travaux et un château entièrement repensé. Deux salons, onze chambres et deux suites... Du haut de gamme !
Pour annoncer tout cela, nous étions quelques uns à être conviés l'autre jour à un déjeuner dans un des beaux salons du mythique restaurant parisien Le Taillevent. Au menu très médocain du chef Alain Solivérès, un foie gras de canard confit au vin de Saint-Julien, un remarquable épeautre du pays de Sault en risotto aux morilles. Puis, la fameuse tourte de pigeon Tradition Taillevent, à mourir de plaisir, avant un chocolat taïnori en feuillet craquant, sorbet cacao. Je sais, ça vous fait saliver...
Pour les vins, onze millésimes. Et d'abord le petit dernier, le 14, joli et frais, intense, bien évidemment encore marqué par des notes de vanille mais très buvable pour un primeur. Un 2012 « aimable » et poli, soyeux, causant sans excès avant un 2011 plus austère et un brin taiseux ce jour-là. Rien à voir, évidement, avec le sublime 2010, volumineux, sur un nez subtil, d'un équilibre parfait. « Le meilleur vin qu'on n'ait jamais fait », commente sobrement Philippe Blanc... Et, pour clore cet apéritif, le solaire 2009, un brin exubérant mais un peu en dessous du précédent.
A table ! Sur le foie, le second vin, l'Amiral en version 2009, millésime riche et chaud, sur des notes de pâte d'amande, d'épices et de cannelle, fruité et rond. Et le 2003 de Beychevelle, mûr, fumé, exotique, légères notes de sous-bois et de truffe noire, manquant peut-être d'ampleur, pour « un millésime décrié mais plaisant » ...
Sur l'épeautre, le 1996, franc, direct, un peu giboyeux, bouche élégante et fraîche, et un fond de verre du 1989 qui avait mal voyagé. Enfin, pour tenir compagnie à l'admirable tourte, le 2005, qualifié « la plus belle année culturale des années 2000 » par Philippe Blanc. Finesse, élégance, profondeur, équilibre, longueur suave. Il a surpassé, à mon goût, le pourtant mythique 1982, majoritairement cabernet, toujours très vivant mais un peu engoncé...
Les petites lampées reviennent bientôt ...