23 Mars 2015
Châteaumeillant. Depuis l'éclatement de la cave coopérative du Tivoli, en 2013, le nombre de vignerons metteurs en bouteille de l'appellation Châteaumeillant est passé de sept à vingt -neuf. Et ce n'est pas fini. Beaucoup de vignes sont encore aujourd'hui à l'abandon et attendent des repreneurs. De beaux jours en perspective. D'autant que la qualité des vins suit.
Mais, avant d'aller plus avant, peut-être faut-il revenir en arrière pour tous ceux qui connaissent peu cette récente Appellation d'origine contrôlée, obtenue après des années de combat grâce à l'acharnement des membres de la coopérative et de quelques vignerons emblématiques dont Pierre Picot, l'un des premiers indépendants à avoir cru au potentiel du plus sudiste des vignobles du Centre-Loire.
Quand Pierre Picot a décidé de faire du vin ici, il y a plus de vingt ans, le vignoble était partagé entre la Cave du Tivoli, créée en 1964, et quelques vignerons. Puis a débarqué, au tout début de ce siècle, un autre fou de vin, ancien prothésiste dentaire, Fabien Geoffrenet, bien décidé à faire son trou et à montrer que le gamay était ici chez lui. Beaucoup de travail, d'investissement, de salons, de voyages, de contacts... et, enfin, la reconnaissance pointa le bout de son nez. Les vins des deux vignerons se retrouvaient sur les grandes tables, les amateurs faisaient la queue devant leur stand dans les salons.
L'obtention de l'AOC en 2010, à la satisfaction générale, changea quelque peu la donne dans le plus petit vignoble du Centre-Loire. « Être reconnu, c'est bien, mais encore faut-il sortir du schéma actuel, ramener de l'humain », disait Pierre Picot à l'époque, convaincu que « plus il y aura de metteurs en bouteilles, plus l'appellation sortira de son anonymat ».
Et vinrent des opportunités... Pour des raisons diverses, le Domaine Geoffrenet-Morval, douze hectares, baissa pavillon en 2014. Il fut divisé en plusieurs parts, les nouveaux propriétaires, venus souvent d'autres appellations, se regroupèrent dans la Cuma de La Bidoire. Puis la coopérative du Tivoli disparut, libérant des terres et créant des vocations. En trois, quatre ans, le nombre de vignerons doubla, plus tripla. On sait ce qu'il en est aujourd'hui. La Coop a été transformée en Cuma (Coopérative d'utilisation de matériel agricole). Les producteurs sont devenus propriétaires de leur propre récolte et il s'est créé une structure de négoce, Bituriges, qui se charge de commercialiser. Pierre Picot a lui aussi fondé une Cuma : « Ceux qui arrivent ont une vigne mais pas forcément les moyens ni l'envie de créer leur structure. Ce ne sont pas des investisseurs, mais des gens qui ont juste une envie, un rêve ». Un rêve devenu accessible, d'autant que Pierre Picot loue des parcelles, lorsque les nouveaux venus ne veulent pas devenir propriétaires. Aujourd'hui, avec trois Cuma, le vignoble de Châteaumeillant peut répondre à tous les besoins de vinification et d'élevage. Reste à la charge des vignerons le choix des étiquettes, la communication et la commercialisation. Ce qui n'est pas le plus facile d'ailleurs quand on a trois mille, voir cinq mille bouteilles à caser. « C'est pour cette raison qu'il faut commencer par des petites parcelles, explique Jean-Claude Roux, déjà vigneron à Quincy, qui a acheté une parcelle de l'ex Domaine Geoffrenet, il faut prendre son temps, trouver des filières et, petit à petit, augmenter ses surfaces si l'on peut, quand on est sûr de pouvoir vendre. On a commencé comme ça à Quincy, il y a trente ans.»
L'avenir ? Du boulot. De l'acharnement. Châteaumeillant souffre encore d'une image négative. Mais aujourd'hui les vins méritent le détour et la qualité de beaucoup peut rivaliser avec celle d'autres appellations du Centre-Loire. Et il y a ici un atout supplémentaire : c'est la seule qui vinifie du gamay à jus blanc, qui se plaît sur les schistes du Beaujolais lesquels s'étalent jusque dans les collines du Boischaut Sud. Le pinot noir et le pinot gris servent d'appoint.
L'autre soir dans la salle des fêtes de Châteaumeillant, vingt-cinq vignerons sont venus présenter le dernier millésime. Pour Pierre Picot et quelques autres, c'est une sorte de routine. Mais pour d'autres, c'était une première. Par exemple pour Didier Saint-Just. Et Angélique Gabrielle, la plus jeune de tous, vingt-cinq ans, et un punch terrible. « Mes parents étaient dans la vigne en Bourgogne mais je tiens à mon indépendance », annonce-t-elle dans un grand sourire. Elle cumule deux emplois, partage sa vie entre la Creuse et ses quatre hectares, car « pour l'instant, la vigne ne nourrit pas son homme ...» Première récolte "perso" également pour le Domaine Joseph-Mellot, dorénavant le seul grand domaine à être propriétaire dans les huit appellations du Centre-Loire... D'autres vignerons ont déjà deux à trois millésimes derrière eux. Le Domaine Joffre, par exemple, dont les étiquettes ont connu un vif succès. Le contenant, est à la hauteur...
Je n'ai pas eu le temps de goûter les rouges mais je me suis le plus souvent régalé avec les "gris" comme il est coutume d'appeler ici les rosés. Gris à cause de la couleur, ils ne sont pas issus du pinot gris (ça c'est à Reuilly) mais d'un assemblage dominé par le gamay (60% minimum) associé aux deux pinots, le noir et le gris. Pour six, sept euros... les "gris" de Châteaumeillant seront une aubaine cet été. Vivement demain ! Et vive Châteaumeillant !