8 Janvier 2015
Bourges. J'avais commencé ces Petites lampées mercredi matin et, alors que j'étais en train de relire mes notes, pan, pan, pan... Prends ça dans ta gueule ! Charlie Hebdo. Ça m'a laissé toute une journée sans énergie, sans envie, à mater la télé, à lire les réseaux, à repenser à tous ces morts, à Cabu, Wolinski, notamment, qui ont nourri toute une partie de ma vie. J'ai revu les chiottes de ma première maison, il y a quarante ans, en Sologne, ses murs tapissés de unes de Charlie et d'Hara Kiri, des dessins de Reiser, des conneries de Choron... Je me suis revu hilare, à chaque fois que je sortais de là. Je me suis souvenu des copains morts de rire à leur retour au salon... Je ne lisais plus régulièrement Charlie. Depuis des années, certains de ses caricaturistes me faisaient moins rire. Mais j'ai été et je suis Charlie, aujourd'hui encore plus qu'hier.
Pour noyer un peu mon indignation et ma peine, en pensant à ces douze victimes, mais aussi à Cavanna et à mon copain Laurent, dont les dessins transformaient parfois mon journal en Charlie républicain, j'ai naturellement ouvert une bonne bouteille, l'autre soir, en rentrant du rassemblement silencieux organisé par mes confrères. Nous sommes tous Charlie ! Oui. Mais la vie continue. Avec ces petites lampées que je dédie à la bande de l'Hebdo, à tous ces bons vivants, à ces gentils, à ces gars biens, à ces épicuriens, à ces fêtards... Et à tous ceux qui sont victimes de l'obscurantisme et de la connerie humaine.
Je reprends ...
Il y a quelques semaines, on m'a envoyé deux bouteilles de Jamelles, « la gamme de cépages rares », créée par Catherine Delaunay pour la marque Badet Clément, maison spécialisée dans la création de vins de marque du Languedoc Roussillon. C'est la nouvelle collection qui rime avec « nouvel habillage, nouveau nom, cuvées retravaillées ». Trois blancs, pinot gris, marsanne, roussane, et trois rouges, mourvèdre, malbec et carignan, à propos duquel je n'ai pas lu que des choses sympathiques. Je ne suis pas du tout un grand connaisseur de ce cépage rare, élevé ici sur des terrasses d'alluvions et de galets en bordure de la Cesse et sur des terrasses de coteaux de schistes des massifs primaires de la région de Fitou. Mais oui, j'ai bien aimé malgré des notes un peu trop boisées qui devraient s'atténuer avec le temps. Beaucoup de fruit au nez comme en bouche, du pruneau cuit, des cerises noires confites, une belle complexité, de l'ampleur, une présence robuste en bouche, un vin un peu rustique, à mâcher longuement, à faire rouler sur la langue avant d'en apprécier longuement la finale...
Seconde bouteille dégustée avec des copains, autour d'une galette frangipane, le cent pour cent marsanne, issue de sols peu profonds de la vallée de l'Hérault et de vignes en coteaux de la vallée de l'Aude. Très jolie couleur, brillante, nez élégant, délicat, floral avec des pointes de fruits blancs que l'on retrouve en bouche, souple, avant une finale vanillée. Pour 6 euros la bouteille, que demande le peuple ?
- Toujours avec une galette des rois, c'est le moment, partagée dans une cabane des marais, à l'heure de l'apéro, cette Cuvée Orélie 2013, de l'Union des vignerons ardéchois. Au nez et à la première gorgée, je me suis demandé s'il n'y a pas du muscat dans cet assemblage. Ben non, nul, planté, c'est du chardonnay et du sauvignon. Deux cépages récoltés en pleine maturité. Vin très aromatique, des fleurs banches, de la pêche, de la fraîcheur en bouche, malgré le côté sucrailleux, une vraie caresse à muqueuses et une finale un peu...muscatée quand même. Pas mal avec la galette. 3,90 euros. Imbattable.
- Retour en Loire avec ce saumur-champigny 2012 de la gamme Secrets de vigne d'Ackerman. Du cabernet franc, donc, issu de vieilles vignes et de faibles rendements et bénéficiant d'un élevage d'un an en barriques neuves. Robe foncée, nez sur les baies noires compotées, des notes de sous-bois et de cuir. En bouche, jus ample, sur la fraîcheur et le croquant, finale persistante. 11,90 euros.
- Et puis, un vin pour se souvenir, encore. Un montlouis-sur-loire, la cuvée Le Volagré 2005, de Stéphane Cossais, vigneron de talent malheureusement décédé en 2009 d'une rupture d'anévrisme pendant son footing. Il avait quarante-deux ans. En huit millésimes, il avait élevé le chenin sec à son plus haut niveau et cette cuvée, aujourd'hui iconique, élevée dans des fûts de chêne de quatre cents litres, en est le meilleur exemple. On peut s'extasier devant une telle complexité, notes de noisette et de grillé, de fruits blancs frais, poire et pêche, bouche explosive, toute en finesse et élégance. Et une sacrée envie de glouglouter en pensant à tous ceux qu'on aime...
Les petites lampées reviennent bientôt... Dans quelques semaines.