27 Novembre 2014
Paris. « Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité ... Chacun se souvient où il était le 21 juillet 1969, quand Neil Amstrong et Buzz Aldrin posaient les pieds sur la Lune. Non ? Moi, j'étais à Saint-Palais-sur-Mer, en vacances et toute la famille était scotchée devant la télé... Pour immortaliser ce moment, les deux astronomes étaient équipés d'appareils photos spéciaux mais un seul fonctionna si bien que seul Amstrong fut en mesure de prendre ces clichés historiques...
Ces photos sont aujourd'hui la propriété de Chris Cardon, patron d'un grand laboratoire dans le secteur pharmaceutique pour animaux de compagnie. Flamand sportif, cela s'entend et se voit, grand amateur de vin. Devenu propriétaire, en 2012, de Château La Haye (Saint-Estèphe) mais aussi de Château Bel Air. Domaines auxquels il faut ajouter une activité de négoce.
Quel rapport entre ses vins et la Lune, me direz-vous ? La cuvée Small Step by La Haye. Dont il a raconté l'histoire, l'autre jour, à l'Atelier Robuchon, sortant les documents de sa pochette. « Au cours d'un voyage à New-York, explique Chris Cardon, on m'a demandé de préparer un vin à destination du marché américain et dans le même temps on m'a proposé d'acheter les clichés du premier pas sur la Lune. Vous voyez la suite ... Nous avons sorti en 2011 ce vin qui, en opposition à ceux de Château La Haye, est à dominante de cabernet sauvignon, assemblé à un peu de merlot. Il est élevé douze mois en barriques de chêne français, les Américains adorent. On peut d'ores et déjà le boire mais il saura très bien vieillir.» Nous avons dégusté le 2012 sur des girolles mitonnées, raviolis de jarret et pied de veau. Plat sublime un peu étouffé par ce Small Step épicé, sur des notes boisées un brin lourdes et une finale un peu tannique à mon goût. Mais je ne suis pas américain... Ce petit pas est à 17 euros, rien à dire.
- A l'Atelier Robuchon, ruban rouge pour accompagner les vins de Château La Haye, qui accueillit jadis les amours d'Henri II et de Diane de Poitiers, dont le monogramme, gravé dans la pierre à l'entrée du domaine et repris sur les bouteilles : le H et le D entrelacés.
Sportif, comme je l'écrivais plus haut, Chris Cardon, est arrivé dans le Bordelais par le Marathon du Médoc. « J'en fais trois à quatre par an... au maximum, explique-t-il. Dans le Médoc, j'ai fait mon premier marathon en 2006 et je suis tombé sous le charme de cette région que je connaissais mal et sous celui de ce château dont je suis devenu propriétaire six ans plus tard.» De dix hectares en 2012, le domaine est passé à près de vingt hectares aujourd'hui, après l'acquisition de plusieurs parcelles dont une, d'un peu plus de trois hectares, appartenant à Château Lafon Rochet. Côté négoce, Chris Cardon propose deux vins. Un bordeaux rouge à 7 euros, entrée de gamme dans la composition duquel, en plus des deux cabernet et du merlot, entre du malbec, le cépage de Cahors. Le 2012, léger et un peu sur la réserve, n'a pas longtemps résisté devant le parseman crémeux au maury vieilles vignes. Alors que le blanc de la Haye 2013 (7 euros), assemblage des sauvignons gris et blanc et de sémillon, frais, léger, friand, vivifiant, avait fait merveille sur la papillote de langoustine escortée d'une crème de basilic...
Sur l'anthologique pâté (en) croûte de Robuchon, au foie gras et aux truffes, son jus gras, pistaches et fleur de thym..., deux millésimes de Château Bel Air, 2012 et 2013, deux jolis saint-estèphes, comme une mise en bouche à ce qui allait suivre : les 2010, 2012 et 2013, de Château La Haye, confirmé Cru Bourgeois du Médoc après la révision de 2008. Nez un peu giboyeux, épicé; bouche un peu confite et belle ampleur pour le 2010. Je lui ai préféré le 2012, encore un brin boisé mais d'une grande fraîcheur, soyeux, malgré des tannins de caractère, élégant jusque dans sa longue finale. Les amateurs de vins plus juteux voteront probablement pour le 2013, au nez de grillé et à la bouche généreuse. 28 euros pour tous ces vins. Trois millésimes, trois caractères, pour escorter le homard européen aux jeunes pousses de tétragone, sauce au poivre noir torréfié. Homard m'a tue(r) de bonheur...
Après les girolles et le Small Step, que j'ai évoqué plus haut, place à sa ... Majesté, « la cuvée d'excellence » du château. Cinquante euros le flacon. Du cabernet sauvignon et un peu de petit verdot. Le tout élevé dix-huit mois en barriques. Deux vins qu'il faudra attendre un peu pour en apprécier toute la richesse. Le 2010, d'une incroyable densité, évoque des notes de tabac, de cuir, de baies sauvages quand le 2012 développe au nez des notes plutôt florales, d'épices légères et laisse en bouche une jolie trame fruitée et fraîche. On a eu tout le temps de s'incliner devant ces têtes couronnées servies avec une autre grandeur, le canard en duo de foie gras aux raisins verjutés et gingembre confit. Et de poursuivre longuement cette conversation gourmande, en attendant les cafés, devant le Dôme au chocolat Dulcey, griottes marinées au saint-estèphe... Priez pour nous, pauvres pécheurs !
Les petites lampées reviennent bientôt...